Réalisé par Agnès Jeanjean & Monique Selim – Journal des Anthropologues

Pinar Selek, figure du féminisme et de l’antimilitarisme en Turquie, est enseignante-chercheuse en sociologie à l’université Côte d’Azur de Nice, membre de l’URMIS. Elle travaille sur les migrations, la production de la virilité, le fonctionnement des pouvoirs, les violences structurelles. Consécutivement à ses travaux sur les droits des minorités et des exclus de l’État turc et en particulier les Arméniens et les Kurdes, en 1998 elle a été arrêtée et torturée. Sociologue, refusant de livrer ses sources et contacts kurdes, elle a alors été accusée, sur la base d’un faux témoignage, d’avoir commis un attentat à Istanbul, dans le bazar aux épices. Dès lors, victime d’un véritable acharnement politique et judiciaire, elle voit à nouveau sa vie basculer. Malgré quatre acquittements (2006, 2008, 2011et 2014), l’État turc la poursuit inlassablement.

Symbole de la résistance non violente au pouvoir turc, à l’autoritarisme, au militarisme, Pinar Selek est exilée depuis 2011 en France. En 2022 le quatrième acquittement est cassé, la cour suprême de Turquie prononce une condamnation à la prison à vie. Un mandat d’arrêt international avec emprisonnement immédiat est émis. Un nouveau procès est engagé en mars 2023. Ce cinquième procès, reporté cinq fois, aura lieu par contumace à Istanbul le 7 février prochain. Une délégation internationale se rendra sur place, comme ce fut le cas pour chacune des audiences, l’Association Française des Anthropologues sera représentée. Une des intentions du pouvoir turc est de contraindre Pinar au silence, de limiter ses déplacements, de l’empêcher de poursuivre ses recherches, y compris en France, en surveillant et criminalisant ses activités scientifiques et en exigeant un mandat d’arrêt international. C’est mal la connaître…

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