La distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques s’est aujourd’hui imposée comme une évidence, tout comme la hiérarchie qui légitime l’accueil des réfugiés au détriment des migrants. Ce livre montre que ces définitions en disent plus long sur les États qui les appliquent que sur les individus qu’elles sont censées désigner. Car il n’existe pas de réfugié en soi que les institutions pourraient identifier pour peu qu’elles soient indépendantes ou en aient les moyens. La catégorie de réfugié se reconfigure en réalité sans cesse, au fil du temps, au gré des changements de rapports de force et de priorités politiques.
Plutôt que d’analyser les parcours des exilés pour déterminer s’il s’agit de réfugiés ou de migrants, cet ouvrage dissèque l’institution qui les nomme : l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), depuis sa création en 1952. Il établit que la chute du taux de reconnaissance du statut de réfugié est moins liée à la transformation des profils des requérants, à l’obsolescence de la Convention de Genève ou à une perte d’indépendance de l’Ofpra qu’à un changement de subordination. Alors que, pendant la guerre froide, l’assujettissement du droit d’asile aux politiques diplomatiques et le besoin de main-d’oeuvre favorisaient un taux élevé d’accords, son instrumentalisation par les politiques migratoires, dans le contexte de la construction de l’immigration comme problème, entraîne un taux élevé de rejets.
En s’intéressant aux acteurs du droit d’asile, à leurs profils et à leurs pratiques les plus quotidiennes, cette sociohistoire, par le bas, des politiques d’asile en France apporte une contribution nouvelle à l’analyse du pouvoir d’État en actes à l’égard des étrangers.