Études de l’Ifri, février 2022, par Sophie Bilong et Frédéric Salin.
Les thèmes de l’emploi et du travail des personnes réfugiées ont depuis 2017 suscité une attention croissante à la fois dans le monde politique, associatif et économique mais peu d’études abordent encore le sujet. Ce travail est né d’une collaboration avec le collectif « Work with refugees » qui rassemble plusieurs associations d’accompagnement vers l’emploi pour les personnes réfugiées et en demande d’asile.
Son objectif est d’aider à mieux comprendre les enjeux des parcours d’emploi et des conditions de travail des personnes réfugiées, ainsi que les ressorts des programmes mis en place au sein d’entreprises et destinés aux personnes réfugiées. Comment favoriser l’embauche des réfugiés ? Quelles sont les trajectoires d’activité et professionnelles des réfugiés ? Quelles sont leurs conditions de travail et comment les améliorer ? Que peuvent mettre en place des entreprises dans ce domaine ?
Les auteurs ont mobilisé une méthode plurielle qui articule une analyse statistique sur les trajectoires d’activité de personnes réfugiées, issues de l’Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants (Elipa) menée par le ministère de l’Intérieur, des entretiens avec des responsables des ressources humaines (RH) et de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) de 18 entreprises engagées en faveur de l’insertion professionnelle des réfugiés ou ayant des expériences concrètes d’embauche et des échanges collectifs avec des personnes réfugiées qui ont partagé leur expérience de recherche d’emploi en France.
Des données inédites de l’enquête Elipa permettent de mettre en évidence des phénomènes de salarisation, de déclassement professionnel et établissent un lien entre le niveau de maîtrise du français et la situation d’activité. Les démarches effectuées pour trouver un emploi, les caractéristiques principales de ces emplois et les conditions de travail pour celles qui ont un emploi ont également été détaillées faisant apparaître des conditions de travail instables, insatisfaisantes et précarisantes.
Les auteurs proposent une analyse des actions mises en œuvre par le secteur privé pour favoriser l’intégration professionnelle des réfugiés en France. Les cadres interrogés ont partagé leur analyse des phénomènes à l’œuvre dans leur entreprise et explicité les moyens de mobiliser leur entreprise pour l’insertion des personnes réfugiées : les conditions de cette mobilisation qui prend des formes variées selon les groupes, le passage de la logique RSE à une logique RH, le changement des procédures de recrutement et la mobilisation des outils internes de formation.
Au-delà des dynamiques internes, encore rarement étudiées dans les travaux relatifs à l’emploi des réfugiés, les auteurs mettent en évidence des problématiques plus générales sur les conditions d’accès à l’emploi. Elles concernent notamment l’accès à la formation linguistique et scolaire, l’assouplissement des contraintes administratives et le droit au travail dès la demande d’asile. Ils proposent également une série de recommandations à destination des entreprises, des associations et des pouvoirs publics pour améliorer les trajectoires professionnelles et les conditions de travail des personnes réfugiées.